La sociocratie : un outil d’intelligence collective…

Lors de ma réorientation professionnelle, j’ai eu la chance de faire une belle rencontre : la sociocratie et je voudrais partager avec vous quelques bases de ce merveilleux outil d’intelligence collective.

Qu’est ce que la sociocratie ?
Dans le domaine du management, la sociocratie est un outil de prise de décision qui requiert la participation active de chacun et une communication de qualité entre les participants.

La sociocratie se concentre sur la création de propositions à décider (définition de la problématique, analyse, amélioration, création d’une proposition) ou sur le consentement à une proposition (explications, objections, améliorations et décision finale).

Quand peut-on parler de sociocratie au sein d’une entreprise ?
Pour cela, il est nécessaire que 4 règles de fonctionnement interne soient respectées :

  • La prise de décision par consentement : atteindre l’objectif « zéro objection » : chacun a la possibilité de dire un « non » argumenté et constructif.
  • Les cercles : le cercle, c’est un ensemble de personnes qui vont réfléchir parallèlement à l’opérationnel, ils vont définir la vision (par rapport à l’extérieur) et la mission (concrétisation de la vision au sein de l’action du cercle).
  • Le double lien : dans une société classique, la même personne descend et remonte l’info d’un cercle vers un autre. Dans le mode sociocratique, un représentant est choisi, qui n’est pas le représentant hiérarchique, pour remonter l’information du cercle vers les autres cercles qui sont concernés par la décision.
  • Le vote sans candidat : chacun choisit un candidat parmi le cercle et motive sa décision à la personne choisie. Après avoir entendu tous les arguments, chacun a l’opportunité de modifier son vote s’il le désire, ensuite, l’animateur propose un candidat, et chacun est invité à accepter. Ne pas oublier de demander au candidat s’il est d’accord.

Quelles sont les conditions pour réussir la sociocratie dans mon organisation ?

  • L’implication forte de la direction avec un désir sincère de changement et de partage du pouvoir de décision.
  • Former des collaborateurs au protocole et au processus.
  • Cultiver la patience et la bienveillance mutuelle : les habitudes ne se changent pas si facilement …

Comment se déroule le processus sociocratique ?
Une réunion type en mode sociocratique comporte les étapes suivantes :

  • la ronde d’ouverture : chacun est invité à exprimer ses émotions au groupe (météo intérieure).
  • les règles du jeu : basées sur la communication non violente, ce sont des garde-fous pour que le groupe fonctionne correctement dans un cadre de confiance.
  • l’ordre du jour-processus de consentement : la sociocratie se concentre sur la création de propositions à décider (définition de la problématique, analyse, amélioration, création d’une proposition) ou sur le consentement à une proposition (explications, objections, améliorations et décision finale).
  • la célébration : le groupe se réjouit d’avoir avancé sur un sujet ou un projet.
  • l’expression des tensions : l’animateur invite chacun à s’exprimer sur ce qui pourrait encore gêner.
  • la ronde de fermeture : chacun exprime les émotions ressenties durant la séance de travail + le feedback (qu’as-tu appris aujourd’hui).

Quelles peuvent être par exemple les règles du jeu ?

  • Parler au « je », exprimer son ressenti à soi, ne pas parler au nom des autres.
  • Éviter le « tu » accusateur.
  • Éviter les comparaisons : je préfère ceci que cela – évite les débats.
  • Parler de façon positive : parler constructif et penser solutions.
  • La parole est donnée uniquement par l’animateur.

Il est important de demander si les règles sont bien claires, si quelqu’un veut en rajouter une ou l’autre (confidentialité, respect du timing, etc ) et ensuite l’adhésion de chacun aux règles.

Durant la réunion, l’animateur veille à ce que les règles soient strictement respectées.

Qu’est-il bon de savoir avant de commencer ?

  • L’animateur ne peut pas être le responsable hiérarchique : on va former des animateurs au sein de l’entreprise qui pourront faciliter les réunions.
  • Travailler en cercle rapproché favorise l’équivalence (tout le monde est sur le même niveau d’intervention et dans l’espace), l’esprit d’équipe, l’intimité.
  • Pour la prise de parole dans une réunion, il est important que l’animateur renvoie la responsabilité au groupe : par exemple dire « Qui commence ? » plutôt que « Jacques, tu commences ? ».
  • Il est bénéfique de fixer un sens de circulation de la parole car cela rassure les participants, chacun sait à quel moment il s’exprimera.
  • L’animateur doit être très attentif aux comportements polluants : justification, utilisation du « on », le ping pong, et recadrer ces comportements avec bienveillance mais sans complaisance.
  • Il doit également surveiller le temps laissé à l’argumentation : quand c’est OUI, pas d’argumentation, il peut donner un temps d’expression max (le même pour chacun), il peut également nommer un gardien du temps.

Et si le processus de décision est bloqué ?
Dans ce cas, on a plusieurs pistes :

  • Rappeler l’importance du mieux collectif par rapport à l’intérêt individuel dans la décision de l’organisation.
  • Éduquer les participants au NON constructif par rapport au NON obstructif (préférences, arguments non rationnels qui font appel à l’égo).
  • La décision ne doit pas forcément agréer tout le monde mais en tout cas ne bloquer personne : on peut poser la question en cas de non « Peux-tu vivre avec cette décision ? » « Ton oui peut il se transformer en non ? ».
  • L’animateur peut utiliser d’autres outils dans le tour de table pour améliorer la proposition (brainstorming, SWOT, chapeaux de Bono, etc …).
  • Si la décision ne se prend pas assez rapidement, le rôle de l’animateur est de proposer de retravailler la proposition et de passer à un autre point.

Quels sont les avantages d’intégrer la sociocratie dans son mode de fonctionnement ?

  • La créativité augmente : tout le monde est appelé à s’exprimer et les bonnes idées sont souvent à prendre au niveau des opérateurs de terrain.
  • L’implication des participants augmente : il est plus motivant d’appliquer une décision à laquelle on a pris part active.
  • Le manager délègue : la responsabilité est mieux répartie sur l’équipe : on évite ainsi l’épuisement des quelques « moteurs » d’une équipe face à une autre partie passive.
  • Meilleure communication et meilleur « vivre ensemble » dans l’équipe : le respect des règles (basées sur la communication non violente et l’égalité de la parole de chacun) devient peu à peu le nouveau mode de communication entre les participants.
  • Apprendre à privilégier le collectif par rapport à l’individuel améliore perceptiblement les comportements dans l’entreprise.

Conclusion

Le paradoxe c’est que la sociocratie pourrait nous laisser croire à un mode de management laxiste mais en réalité,  quand les règles sont bien définies et que l’animateur veille bien à leur application, le processus de décision est très précis et ne laisse pas de place aux prises de pouvoir ou aux obstructions non constructives.
La sociocratie peut s’associer à de nombreux outils utilisés en dynamique de groupe et s’applique au domaine de compétence que le manager veut bien lui céder, indépendamment des autres domaines.  Elle apprend aussi à dire « non » mais de manière constructive.

 

Catherine Marlière, coach chez Simplylife, collabore régulièrement avec IFE Benelux sur des projets de formation en lien avec le management.